La Lauréate est Madame Anne Bonzon, agrégée d’histoire et ancienne élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, actuellement professeure d’histoire moderne à l’université Paris 8 et co-directrice du Centre d’histoire des Sociétés Médiévales et Modernes (U.R.MéMo), pour son ouvrage intitulé La paix au village. Clergé paroissial et règlement des conflits dans la France d’Ancien Régime (Paris, Champ Vallon, 2022, 352p.)
Dans un contexte où les politiques publiques cherchent à désengorger les tribunaux, et où de multiples réticences s’expriment face à des instances judiciaires à la fois très critiquées et très sollicitées, les formes alternatives de règlement des conflits suscitent aujourd’hui un intérêt renouvelé. Ce livre examine sous un angle inédit les origines de ces transactions situées en amont ou en marge de la justice institutionnelle : arbitrage, conciliation, médiation, arrangements à l’amiable.
Au croisement de l’histoire judiciaire et de l’histoire religieuse, l’auteure éclaire un aspect de l’action des curés qui n’a jamais été étudié pour lui-même : l’apaisement des différends. Les conflits et leur résolution nous plongent au cœur de la vie quotidienne des villageois sous l’Ancien Régime à une époque où la Réforme catholique modifie profondément les rapports entre les curés et leurs paroissiens.
Une enquête menée à partir de sources multiples a permis d’observer à différentes échelles le déroulement de ces arrangements dans la France du XVIIe siècle, et d’analyser le contexte qui les a favorisés, qu’il s’agisse des missions intérieures auxquelles les curés sont associés, des grandes ordonnances de réforme de la justice, de la lutte contre les duels ou de l’action des réseaux dévots.
Ainsi, l’étude de ces modestes « artisans de paix » éclaire d’un jour nouveau l’histoire de la médiation et de ces formes alternatives de règlement que l’on redécouvre aujourd’hui.

Une mention spéciale a été attribuée par le jury du prix Malesherbes-Badinter à Monsieur Fabien Lostec, docteur en histoire contemporaine, enseignant et chargé de cours à l’université Rennes 2 (Laboratoire Tempora), pour son ouvrage intitulé Condamnées à mort. L’épuration des femmes collaboratrices, 1944-1951 (Paris, CNRS éditions, 2024, 400p.)
Contrairement à une légende tenace, toutes les femmes collaboratrices n’ont pas été graciées par les tribunaux de l’épuration à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont 651 à être frappées par la peine capitale, dont 46 sont finalement exécutées. Jamais, depuis la Révolution française, autant de femmes n’avaient été condamnées et mises à mort en si peu de temps.
Qui sont ces condamnées à mort, de quelle façon ont-elles collaboré, comment vivent-elles leur épuration et par qui sont-elles jugées ? Fabien Lostec brosse le portrait individuel et collectif de ces femmes. Il nous montre qu’au-delà de l’image de la collaboratrice sentimentale, elles se sont résolument engagées au service de l’ennemi, ont commis des actions violentes et des tortures, ont provoqué des déportations et des assassinats.
La morale et le droit s’entremêlent lors de leurs procès, puisqu’elles sont accusées d’être de mauvaises épouses et/ou mères et, plus largement, de mauvaises femmes. L’auteur examine le temps du jugement jusqu’à la mort pour celles dont le recours en grâce est rejeté et n’oublie pas le temps de l’incarcération ni celui de la sortie de prison pour celles qui bénéficient d’une commutation de peine.
Une étude fine qui vient renouveler par le genre l’histoire de l’épuration et de la violence politique.