Véronique Blanchard, Mathias Gardet

La parole est aux accusés. Histoire d’une jeunesse sous surveillance, 1950-1960, Paris, Editions textuel, 2020.

C’est grâce à des archives bouleversantes et totalement inédites que sont révélées ici les trajectoires de douze adolescents, six filles et six garçons, aux prises avec la justice au sortir de la guerre. Véronique Blanchard et Mathias Gardet, excellents connaisseurs des archives de la justice des mineurs, ont eu accès aux centaines de dossiers de deux centres d’observation, l’un à Savigny-sur-Orge (pour garçons) et l’autre à Chevilly-Larue (pour filles). Ces centres, qui dépendent du ministère de la Justice, détiennent des J.V., « jeunes à vérifier », issus très majoritairement des classes populaires, placés sur ordonnance du juge pour enfants.
Ces dossiers contiennent les écrits et les dessins des adolescents, soumis à de nombreux tests et exercices variés. La parole de l’administration y est consignée également : policiers, médecins, psychologues, éducateurs, assistantes sociales… Le face-à-face entre les mots des jeunes et ceux des experts est d’une violence inouïe. Il en dit long sur les préjugés de classe, le sexisme et le racisme qui prévalent alors, conduisant à des décisions de justice aberrantes, lourdes de conséquences pour une jeunesse certes surveillée mais ni écoutée, ni entendue.  (PDF)

Véronique BLANCHARD, Vagabondes, voleuses, vicieuses. Adolescentes sous contrôle, de la Libération à la libération sexuelle, Paris, Editions François Bourin, 2019, 328p.

Luce : « vagabonde » ; Adèle : « voleuse » ; Émilienne : « vicieuse ». Trois mots, qui valent rappel à l’ordre, réquisitoire, sanction. Ou comment le langage, le système éducatif, la psychiatrie et l’institution judiciaire construisent le féminin, en lui opposant des contre-modèles. Dans les années 1950 et 1960, une adolescente a tôt fait de virer « mauvaise fille » : un flirt, une sortie au bal ou au café, voire une simple fugue de quelques heures peuvent suffire à enclencher l’engrenage judiciaire, qui la conduit devant le juge des enfants. Beaucoup seront ensuite placées en internat, hospitalisées, ou emprisonnées. Un mécanisme que Véronique Blanchard dévoile à travers l’analyse de centaines de documents exhumés des archives du tribunal pour enfants de la Seine. Les voix des jeunes filles qui en surgissent racontent autant de trajectoires brisées, de rêves réprimés — et de révoltes indomptées. Elles nous plongent dans les coulisses de la fabrique du genre et des inégalités. Car si les lois ont évolué, si les regards portés sur le genre ont changé, si les adolescentes d’aujourd’hui ne portent plus les mêmes prénoms, certains mécanismes, eux, perdurent : ces voix n’ont aujourd’hui rien perdu de leur force subversive. (PDF)

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