Rapport de Christiane Besnier, Antoine Mégie, Denis Salas et Sharon Weill, remis à la Mission de recherche Droit et Justice (déc. 2019).
Le contexte de la recherche
En 2017, date à laquelle débute cette recherche, le nombre de procès contre des personnes impliquées dans l’organisation de l’État islamique, les « velléitaires » – prévenus ayant tenté sans succès de rejoindre la Syrie – ou les « revenants » du terrain guerrier irako-syrien, ne cesse d’augmenter. La France est le pays d’Europe qui a été le plus touché par le phénomène des filières syro-irakiennes et celui où les attentats de Daech ont été les plus meurtriers.
Les objectifs
Cette recherche a pour objectif d’examiner les affaires liées au terrorisme jugées de 2017 à 2019 par la cour d’assises spécialement composée à travers une approche pluridisciplinaire à dominante ethnographique qui rassemble juristes, ethnologues et politologues. Les axes de recherche sont les suivants : 1) le cadre juridique, la législation antiterroriste, la politique pénale et son application par les magistrats ; 2) le rôle des acteurs à l’audience ; 3) le sens de la peine. Nous avons élargi le spectre de la recherche initiale aux audiences correctionnelles en matière de terrorisme et à une audience belge qui s’est tenue de janvier à mars 2019 (procès de l’attentat du Musée juif de Bruxelles).
La méthodologie
Les membres de l’équipe ont suivi toutes les audiences de la cour d’assises spécialement composée, ayant jugé des affaires de terrorisme islamiste de 2017 à 2019, soit 8 affaires, dont cinq jugées en première instance et en appel (au total 138 jours d’audience). La recherche a été ponctuée par des phases d’enquête ethnographique (temps passé dans les juridictions, observation des audiences, entretiens avec les professionnels), de recueil des documents (ordonnances de mise en accusation et motivations), de restitution et de mise en ordre des données, des phases d’échanges entre chercheurs et d’analyses croisées avec les professionnels.
Principales conclusions
La cour d’assises n’est pas apparue comme une juridiction d’exception mais plutôt à l’image d’une cour d’assises de droit commun tendant à être spécialisée. Avec l’arrivée massive des dossiers devant la cour d’assises depuis l’automne 2019, la juridiction tend à spécialiser les magistrats du siège dans cette matière. Les magistrats du parquet présentaient déjà une forte spécialisation renforcée par la création du parquet national antiterroriste (PNAT). Chaque audience observée exprime une tension entre un contexte de lutte contre le terrorisme (en général) et le jugement d’individus (en particulier) : le parquet est sur le front de la lutte et le juge, avec l’aide de l’avocat, s’efforce d’individualiser l’acte de juger. Enfin, nous regrettons que certaines audiences n’aient pas été filmées dans la perspective de constituer des archives judiciaires. Il serait souhaitable que les procès à venir comme celui des attentats de Charlie Hebdo, et ceux du 13 novembre 2015, soient filmés pour documenter la mémoire judiciaire.